Discours du Président Edouard Fritch lors du sommet du Pacifique sur l’océan

Publication : 1 septembre 2016

SOMMET DU PACIFIQUE SUR L’OCÉAN

Congrès Mondial pour la Nature de l’UICN

Honolulu, Hawaii, 1er septembre 2016

DISCOURS DU PRÉSIDENT DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE M. Édouard FRITCH

Chers leaders, Chers invités, Chers amis,

Je suis très heureux et honoré d’être avec vous ce matin et particulièrement ravi de constater que pratiquement tout le Pacifique est ici représenté, à Honolulu, à l’occasion de cet événement international majeur.

Nous devons tous notre existence à l’océan. C’est le point de départ de la vie sur Terre. Aujourd’hui, le changement climatique est une menace mondiale et l’océan jouera un rôle crucial sur l’intensité de ses impacts partout dans le monde.

Nous, peuples des grands états océaniques, avons l’océan en nous ; nous sommes sa voix. Je pense humblement que nous avons un certain bagage en matière de savoirs traditionnels relatifs à la gestion des ressources naturelles, et que nous pouvons le partager.

Vous connaissez bien sûr tous le concept de développement durable. Mais vous devez être moins nombreux à savoir que c’est en fait l’UICN, notre hôte, qui en 1980, a pour la première fois parlé de développement durable.

Et probablement aucun d’entre vous ne sait que les Polynésiens avaient déjà mis en œuvre ce concept depuis des siècles afin de gérer nos ressources ! A l’époque, le développement durable s’appelait Rahui et Tapu, qui sont des manières de restreindre l’accès ou l’utilisation d’une zone ou d’une ressource par des personnes non-autorisées afin de préserver les ressources alimentaires.

Aujourd’hui, nous appliquons toujours le Rahui. Cela peut se faire de manière traditionnelle, comme à Rapa et à Maiao, ou de manière plus moderne comme en 2014 à Taiarapu Ouest, sur l’île de Tahiti.

Pleinement conscients des enjeux, nous gérons des sites d’intérêt majeurs depuis 63 ans. Pour ce qui est des Aires Marines Protégées, nous les avons mises en place depuis 1971 sur des îles inhabitées.

Je vais poursuivre et même accélérer la protection de nos écosystèmes exceptionnels et de tous les services qu’ils procurent à nos populations. Par exemple, au début de l’année, il y avait 32 sites classés. Il y en aura 50 en janvier 2017, aussi bien terrestres que marins.

Certains de ces sites ont même reçu la reconnaissance de labels internationaux tels que le Programme sur l’homme et la biosphère de l’Unesco pour la commune de Fakarava, aux Tuamotu. Fakarava n’est pas juste un seul atoll mais un ensemble de sept atolls. La fréquentation touristique a été multipliée par 7 depuis son classement en 2006. Il s’agit en fait de la première grande Aire Marine Protégée de Polynésie française : dix-neuf mille kilomètres carrés (19 000 km²).

Aux îles Marquises, pas très loin d’ici, est né un nouveau concept : les aires marines éducatives, qui sont des zones maritimes littorales avec un système de gestion participative et locale menée par des enfants. Il s’agit d’une initiative qui implique des élèves dans un projet d’action citoyenne visant à la protection de l’environnement marin.

Au départ, nous avions l’intention d’étendre ce concept au reste de la Polynésie française ; mais cela est allé bien au-delà de nos espérances. J’ai eu du mal à cacher ma satisfaction lorsque la ministre française de l’environnement, Madame Ségolène Royal et moi-même, avons signé un partenariat afin d’étendre ce projet « made in Polynésie française » au reste de la France.

Cela s’est passé durant la COP 21, et pour revenir sur cet événement historique, le moins que l’on puisse dire est que les pays et territoires polynésiens ont joué un rôle crucial dans l’Accord de Paris.

Je voudrais ici profiter de l’occasion pour remercier mes honorables collègues du Groupe des Leaders Polynésiens – Tuvalu, Tonga, Tokelau, Samoa, Samoa Américain, Niue et îles Cook – qui ont répondu favorablement à mon invitation à signer le PACT de Taputapuatea sur le changement climatique, sur l’île sacrée de Raiatea en juillet 2015.

Et je ne me contente pas de vous remercier mais je voudrais également vous féliciter pour la résonance qu’a eue notre rencontre et de son P.A.C.T (acronyme anglais désignant la Polynésie dans son ensemble contre les menaces du climat) qui, selon François Hollande, président de la République, a été déterminant dans l’issue finale de la COP 21.

Il y a deux mois, le 28 juin dernier, parce que nous ne pouvons pas rester les bras croisés devant les défis qui se dressent à l’horizon, nous, Leaders polynésiens, avons signé un autre P.A.C.T., ce dernier étant plus spécifique à notre océan commun: Te Moana o Hiva. Cette Déclaration réaffirme notre vision sur la manière dont l’Accord de Paris devrait s’appliquer à l’Océan car nous, « Peuple de la Pirogue », nous nous considérons comme les gardiens de notre grand océan Pacifique.

Veuillez noter que les signataires de la Déclaration représentent 11 millions de kilomètres carrés. Il s’agit là d’une superficie plus grande que l’Europe, la Chine ou les États-Unis d’Amérique.

L’objectif des deux éditions du P.A.C.T. est de nous unir. Cette union ne nous permet pas seulement d’être la voix de l’Océan mais également celle du bon sens. Nous considérons en effet qu’essayer de résoudre les problèmes du changement climatique sans protéger l’Océan mondial et toutes les îles qu’il contient, ne sert absolument à rien.

Nous nous devons de protéger notre océan et il n’y a en fait « aucun peuple sur terre qui ne soit mieux placé pour être les gardiens du plus grand océan de la planète que ceux qu’il a abrités pendant des générations » comme le dit l’écrivain tongien, M. Epeli Hau’Ofa. Je ne peux qu’abonder dans son sens.

Nous, Polynésiens, croyons que nos ancêtres étaient déifiés sous la forme d’animaux, provenant souvent de la mer tels que les requins ou les tortues. Les anciens Hawaiiens désignent ces animaux protecteurs par le terme ʻaumakua. Partout en Polynésie, il existe de nombreuses histoires de nā ʻaumākua intervenant pour préserver leurs descendants du mal. Pour moi, être polynésien, cela veut dire protéger cette culture et se faire un devoir de protéger ces espèces en retour !

C’est pourquoi nous avons dû protéger aussi bien les espèces que les espaces. Et c’est précisément la raison pour laquelle nous avons aujourd’hui un plan de gestion des espèces emblématiques.

Notre ZEE de 5 millions de kilomètres carrés est le plus grand sanctuaire au monde pour les mammifères marins, les tortues et les requins, depuis 2002. Je voudrais souligner au passage que toutes les espèces de requins sont protégées dans eaux, même le Mako (Isurus oxyrinchus), depuis 2012.

Mais toutes les espèces ont besoin d’être protégées et pas seulement les espèces emblématiques. Par respect pour notre culture et notre nature, nos pêcheries durables sont devenues un modèle de gestion des ressources communes dans la région depuis la fin des années 1990. Nous n’avons signé aucun accord de pêche avec des flottes étrangères depuis l’année 1996 et la pêche à la senne est interdite partout dans notre ZEE.

Les prises annuelles en Polynésie française représentent 6 330 tonnes, alors qu’au niveau de la région du Pacifique, elles atteignent 3 480 000 tonnes par an. Nous représentons donc seulement 0,18 % du total !

Comme on peut le constater, en préservant une zone maritime aussi vaste que l’Europe, en interdisant des techniques de pêche irresponsables et en protégeant le trésor de biodiversité qu’elle contient, la Polynésie française est déjà une Aire Marine Gérée géante. Nous voulons désormais consolider nos efforts de conservation en classant officiellement la Polynésie française comme étant la plus grande Aire Marine Gérée dans le monde, à l’horizon 2020. Son nom sera : Tainui-Atea.

Les Hawaiiens, nos hôtes, ont l’habitude de dire : Mai Huli`oe I Kokua o Ke Kai – Ne tourne jamais le dos à l’océan. Je fais face à nos responsabilités et je fais face à l’océan également. Permettez-moi de réitérer ici le leitmotiv que j’avais au cours de la COP 21 : travaillons ensemble pour relever les défis de la préservation des îles et de l’océan !

Nous sommes tous réunis ici pour partager nos projets de protection, totale ou partielle, de nos ZEE. Mais il y a une autre bonne nouvelle : notre rencontre pourrait constituer la première étape vers, je l’espère, un réseau d’Aires Marines Gérées géantes !

Cela est possible.

Nous partageons tous cette idée que nous, Polynésiens, sommes tous reliés par l’Océan. J’en appelle donc à un nouveau Programme Pacific Ocean Pathway pour nous conduire jusqu’à l’horizon 2030, avec des rapports d’étape tous les trois ans.

Notre meilleure assurance pour notre avenir commun est la protection de notre océan. Afin de mener la tâche avec succès, nous devons avoir accès à certains financements. J’aimerais conclure en disant que, même si l’impératif écologique est mondial, il ne peut être supporté par les communautés insulaires à elles seules.

Ce n’est pas pour nous que nous le faisons aujourd’hui mais pour l’Humanité demain.

Mahalo nui loa,  Soifua,  Malie e lelei,  Fa’afetai tele lava,  Maitaki maata, Maururu  roa.

Je vous remercie de votre attention.

 

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