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SOLIDARITÉ : PRÉSENTATION ASSISES DE L’ÉCONOMIE DE LA MER DES TRAVAUX DE L’IFM
> La solidarité maritime : on l’évoque comme une évidence. La fameuse solidarité des gens de mer : comme un postulat et comme tel dispensée de démonstration. Cette solidarité, on en parle beaucoup dans le maritime et, plus largement, le discours politique y fait très souvent référence. 
> Et, parallèlement, on parle aussi, de plus en plus, d’individualisme voire d’égoïsme dans notre société. L’IFM a ainsi décidé de mettre la solidarité maritime à l’épreuve et de regarder de plus près pour tenter de voir ce que cachait une telle unanimité de façade et si des leçons pouvaient en être tirées
> Nos interrogations : La solidarité maritime existe-t-elle et, si oui ou si elle a existé, quels en sont les ressorts ? Y a-t-il des moyens de la développer, de la renforcer, dans le maritime, dans la société ?
> Le groupe de réflexion que nous avons rassemblé s’est d’abord interrogé sur le mot. Une double étymologie, 
> – celle de solide : la solidarité rend une communauté plus solide, plus forte 
> – et celle de solidus en latin : l’engagement solidaire envers des tiers, la co-responsabilité qui donne plus de crédibilité vis à vis de ces tiers.
> Nous avons ensuite interrogé le passé.
> Historiquement, une solidarité existait dans les communautés de pêcheurs vis à vis des familles de ceux qui se perdaient en mer. Cette solidarité a été reprise par les ordonnances de Colbert, en 1673 et 1681, pour former ainsi il y a plus de trois siècles le  premier régime de sécurité sociale Français, couvrant l’invalidité, la retraite et la protection des veuves. 
> Une autre solidarité liait entre eux les navigants, leur faisant le devoir de tenter de sauver tout homme, même ennemi en risque de se perdre en mer. Ce devoir moral est devenu obligation juridique par la Convention de Bruxelles de 1910 sur le sauvetage.
> Une troisième s’est développée très tôt pour faire face aux risques de l’expédition maritime : dès le premier millénaire avant notre ère, en Chine par de l’échange d’espace sur les  navires entre armateurs. De même Phéniciens et Romains ont mis en place des systèmes de partage de ces risques, qui sont  à l’origine des règles d’York et d’Anvers sur l’avarie commune, bien connue des assureurs et juristes.
> Une quatrième existait au sein des équipages, qui formaient des groupes souvent très soudés. Elle paraît moins forte aujourd’hui dans la marine marchande, avec des équipages multiculturels qui ne forment pas de véritables communautés.
> Les trois premiers exemples montent comment, pour faire face au risque considérable qu’était ‘’aller sur la mer’’, se sont développés des dispositifs d’entraide ou de mutualisation, sur une base d’abord volontaire, qui ont été ensuite repris et généralisés. Et ils montrent que ces solidarités initiales étaient fondées sur une sorte d’échange à échéance incertaine : je t’aide aujourd’hui car j’attends que tu ’aide pareillement demain, si j’en ai besoin.
> Il nous est ainsi apparu intéressant de centrer notre réflexion sur ce que nous avons appelé les solidarités choisies : ces systèmes d’entraide basés sur un retour potentiel, non certain car dépendant des circonstances. 
> Des systèmes d’entraide qui ne sont ni réglementés et ni désintéressés : 
> ils ne relèvent ni du don, de l’altruisme, ni, à l’opposé de l’impôt, de la conscription, de l’obligation, de la loi.
> C’est sous ce prisme que nous avons 
> – sondé le présent. 
> –  auditionné des responsables associatifs ou d’entreprises, des gens de mer, 
> – questionné la philosophie et la sociologie. 
> Et nous avons découvert de nombreux exemples de ces solidarités choisies et des façons variées de les mettre en œuvre, que ce soit par exemple chez les bénévoles de la SNSM, dans les équipages de SOS Méditerranée, entre membres du Cluster maritime, entre public et privé dans le Comité France maritime, ou encore dans des associations d’entraide de gens de mer.
> Et nous dressons aujourd’hui un premier constat : on peut mettre en place de robustes  systèmes de solidarités choisies pourvu qu’ils répondent à cinq conditions :
> 1 –  qu’existe une communauté, des gens qui partagent des valeurs, qui vivent des choses en commun,
> 2 –  que cette communauté ait à affronter un risque commun important ou partage une forte ambition,
> 3 – que des règles du jeu claires soient fixées : qu’est-ce que chacun s’engage à faire pour les autres dans quelles circonstances. Ces solidarités choisies se bâtissent entre ceux qui s’engagent et à leur bénéfice. Chacun contribue en fonction de ses moyens et reçoit en fonction de ses besoins.
> 4 – que cette solidarité, que ces règles soient mises en œuvre assez souvent pour être vécues : ce n’est pas de la théorie, c’est de la pratique, c’est du lien vivant
> 5 – enfin que ceux qui ne respectent pas ces règles et que ceux qui soutiennent ceux qui ne respectent pas ces règles soient exclus du groupe.
> Cette forme de solidarité ne correspond peut-être pas à l’image d’actions généreuses, désintéressées que nous en avons souvent.  
> C’est l’égoïsme qui préfère jouer un jeu collectif plutôt qu’individuel. 
> C’est peut-être moins noble, mais souvent bien plus efficaces que l’altruisme ou que la générosité et cela n’attend pas que le politique réglemente pour exister. 
> Et c’est pleinement accessible aux entreprises, alors que l’altruisme rentre rarement dans leur objet social.
> Ces solidarités nous sont naturelles. Elles sont profondément ancrées dans notre nature humaine, notre nature d’individus sociaux : la science ne dit-elle pas que si  sapiens a survécu et prospéré alors que Neandertal, pourtant plus vigoureux, a disparu, c’est probablement parce que notre ancêtre était plus apte à la coopération, à la solidarité.
> Et, si dans cette acception, la solidarité ne peut être considérée comme une vertu ou une valeur, elle suppose et encourage une des valeurs traditionnelles du maritime, la loyauté. Sans respect de la parole donnée, il n’est pas de solidarité choisie.
> Nous sommes ici aujourd’hui parce que nous appartenons une communauté de qui croit dans l’importance économique, sociale, environnementale de la mer. Nous  partageons des ambitions, nous voulons que la France maritime de demain soit plus forte, nous voulons le développement de nos filières, nous voulons renforcer nos activités. Alors, puisque nous avons les deux premiers éléments de la solidarité, identifions nos possibles partenaires, accordons-nous sur nos règles du jeu, mettons les en œuvre, respectons les et nous irons plus vite, plus loin. 
> Cela existe bien sûr déjà, ce n’est pas un mythe : amplifions le mouvement, choisissons et osons la solidarité maritime.
> Eudes Riblier
> 21 novembre 2017

 

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