Ils sont curés de paroisse, vicaires ou recteurs de sanctuaires, ils ont la trentaine ou plus de 80 ans, ils vivent dans les capitales ou au bord de la mer, mais ces prêtres aux profils si différents ont en commun de se donner à fond pour Noël, depuis sa préparation des jours plus tôt jusqu’à leur prédication la plus écoutée de l’année. Avec la récompense, pour certains d’entre eux, de pouvoir retrouver leur famille.

À quoi ressemble un Noël de prêtre ?
© The Holbarn Archive/Leemage

« Drelindin din, drelindin din… » Qui a oublié la rengaine entêtante de la clochette de Garrigou, petit clerc du révérend dom Balaguère au château de Trinquelage, pour convaincre le chapelain d’expédier ses trois messes basses, obnubilé qu’il est par le festin qui doit suivre – et, du reste, lui être fatal ? A en croire le conte de Daudet (Les Trois Messes basses, dans les Lettres de mon moulin), le défi essentiel pour le clergé à Noël consisterait donc à ne pas sacrifier la qualité et la majesté de la liturgie au fumet irrésistible du dîner du réveillon.

Qu’en est-il en réalité ? Comment le prêtre du 21e siècle vit-il la période de Noël, dans son ministère, son for interne et sa relation avec les autres ? Des témoignages recueillis auprès de profils variés, on peut tirer quelques grands traits communs, mais certaines questions, comme l’équilibre délicat entre vie communautaire et vie familiale, sont vécues différemment.

Marathon men

N’en demandez pas trop à vos prêtres. Cela pourrait être le message à faire passer aux paroissiens dès l’Avent. Noël relève en effet du marathon pour beaucoup d’entre eux, qui se retrouvent souvent « épuisés » à la fin du mois de décembre, à la suite de la multiplication des activités, comme l’explique le père Yvan Maréchal, vicaire dans une grande paroisse parisienne, qui compte néanmoins sur l’aide de Dieu « dans ces situations un peu extrêmes ».

D’abord, il y a les heures passées à administrer le sacrement de réconciliation pendant la journée du 24 décembre. Cette « permanence de confession » est très appréciée par beaucoup, comme le père Benoît Sevenier, eudiste, recteur de la basilique de Notre Dame de la Délivrance et curé de paroisse près de Caen. « Des parents et des enfants prennent finalement le temps d’accueillir la miséricorde du Père », se réjouit-il. En Belgique, le père François Vanandruel, curé à Bruxelles, ne compte plus ses heures passées dans le confessionnal. Un moyen aussi pour lui de « (s)’obliger à sortir des détails matériels, en terme de sacristie, de chants, pour (se) concentrer quand même sur l’aspect plus intérieur de la fête de Noël ».

Heureusement, pour éviter de se transformer en « gentils organisateurs ou grands managers », les prêtres sont aidés par les équipes paroissiales. « J’ai cette chance de ne pas être scrupuleux et de faire confiance, sourit le père Sevenier. Ils organisent les questions pratiques. Du coup j’ai au moins une heure voire deux entre la fin de la permanence de confession et la messe pour m’arrêter. » Parfois, c’est l’âge qui permet au prêtre de se soustraire en toute légitimité à la fébrilité des préparatifs. « Être retraité et n’avoir qu’à rejoindre une assemblée pour vivre Noël est un grand soulagement quand on a vécu de nombreuses années en paroisse », confie ainsi le père Claude Babarit, 80 ans, qui prête aujourd’hui main forte à la paroisse Sainte Marie des Olonnes, en Vendée. D’autres doivent parfois reprendre du service pour venir en aide à leur ancienne paroisse.

Le temps, le prêtre doit surtout en prendre pour préparer l’homélie de Noël. Un vrai moment d’évangélisation. De la qualité de sa prédication dépendront d’éventuels retours à l’église. C’est à ce moment-là de la messe que tout peut se jouer devant une assemblée jamais aussi nombreuse et disparate durant le reste de l’année. « Moins les gens sont pratiquants, plus ça repose sur le prêtre », analyse le père Vanandruel. Trois pièges à éviter selon lui lorsque l’on s’adresse à ces personnes qui vont à la messe de Noël par habitude : « le piège du discours infantilisant, celui d’une spiritualisation mystico-planante où la foi reste l’affaire des spécialistes et du curé, et celui d’un discours trop moralisant ». Pour autant, le sermon n’est pas source de tensions pour les prêtres, bien au contraire. Surtout pendant la messe des familles, la célébration la plus populaire d’un côté comme de l’autre de l’autel, lorsque l’assemblé reste en haleine, silencieusement.

Se nourrir pour durer

Entre les différentes étapes du marathon de Noël à peine évoquées, le ravitaillement n’est pas des plus aisés. « On s’alimente de façon expresse », confie le père Maréchal, qui sera présent aux trois messes célébrées dans sa paroisse le soir du 24. « Après la messe dite « des familles » de 19h, le curé organise un petit repas festif entre nous, mais le prêtre qui doit aussi célébrer la messe de 21h a moins le temps d’en profiter. »

D’autres gardent l’estomac vide par prudence, connaissant les coutumes locales. Curé de la paroisse de Solliès-Pont, dans le Var, le père Ludovic Margot n’ignore pas que la tradition provençale impose les 13 desserts après la messe de minuit ! Pour le père Sevenier, le dîner de Noël est plutôt de l’ordre « du grignotage – mais de bonnes choses ». « Je suis si heureux des célébrations que je n’ai pas trop la tête ou envie de manger vraiment », confie-t-il.

S’il se partage souvent entre confrères, le repas de Noël peut aussi être l’occasion d’inviter des personnes isolées. « Pour le 24 au soir, raconte le père Babarit, une jeune femme qui travaille à Paris invite quelques personnes seules après la messe de 21h30. » Le jour même de Noël, en revanche, le père Claude sera reçu par un neveu pour un grand repas familial.

Famille je vous aime… de loin

La famille : voilà une question difficile, parfois douloureuse, pour nos prêtres au moment de Noël. « Les proches, le 24 et le 25, sont toujours un peu le parent pauvre, car d’une certaine manière notre famille, c’est la paroisse. Alors c’est plus ou moins facilement compréhensible et explicable, mais c’est ainsi. Je vois donc ma famille plutôt le week-end d’après. Maintenant mes parents le savent et l’ont accepté », témoigne le père Vanandruel. Mais l’acceptation n’est pas moins source de sacrifice pour le prêtre lui-même. D’aucuns, comme le père Margot, renoncent définitivement à fêter Noël en famille. « En répondant à l’appel du Seigneur, je savais que je ne pourrai plus participer à ces temps forts familiaux. Ça fait partie des multiples renoncements que je suis heureux d’offrir », confie-t-il.

D’autres estiment en revanche que Noël en famille fait partie des « impératifs et de la tradition ». «Tous les ans, raconte le père Maréchal, je passe le 25 en famille. Je n’ai jamais été empêché de le faire, souvent à partir de 13 heures. Car Noël est aussi une fête familiale. Je vis ça de façon spirituelle, mais aussi de façon très humaine. Il y a une dimension fraternelle : curieusement c’est un moment où l’on a envie de se retrouver en cercle étroit, en frères de sang ». D’autres encore parviennent à unir leurs deux « familles ». Ainsi, le père Sevenier recevra toute sa famille dans la maison où vit sa congrégation.

Très souvent, les retrouvailles en famille sont repoussées après les célébrations, dans l’après-midi du 25 décembre. Un moment très apprécié par les prêtres, lorsque la pression tombe, « un véritable bien-être » pour le père Vanandruel. Pour son homologue à Paris, les jours qui suivent Noël, dont beaucoup correspondent à des festivités – saint Etienne, Sainte Famille – peuvent aussi être l’occasion d’une retraite, pour prendre un temps pour soi après l’Avent et Noël.

Grand(s) silence(s)

Ce qui frappe enfin, c’est la variété des façons dont est vécue Noël par les prêtres. Chacun se souvient d’un Noël pas comme les autres. Pour le père Babarit, c’est le souvenir de la Guerre d’Algérie : « Au lieu des chants de Noël, on entendait le cri des chacals ou le bruit d’une rafale de mitrailleuse  rompant soudainement le silence d’une nuit glaciale sous les étoiles. » Un même froid qui a pris aux tripes du père Margot en cette veillée de Noël où il a célébré la messe dans une église non chauffée en Slovaquie où son évêque l’avait envoyé. « La messe de Noël la plus rapide de ma vie, confesse-t-il… 50 minutes ! »

L’occasion aussi de vivre des expériences très belles, comme la première communion d’une jeune fille, au cœur de la messe, se rappelle le père Maréchal. Pour le père Sevenier et le père Vanandruel, les souvenirs les plus doux sont les simples silences savourés au cœur même des célébrations, d’une qualité toute particulière, après l’homélie ou la communion, avec une assemblée bourrée d’enfants. Loin du tintamarre de la clochette de Garrigou.

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